Entretien du 16 janvier 2012
André-Charles Nauleau est devenu hémiplégique en 1981. Dépendant, le personnel soignant fait alors partie de son quotidien. Je l’ai connu en 1984. À 34 ans je débutais dans les soins à domicile, il a été un de mes premiers patient. Avec lui une bonne relation s’est installée rapidement. lire la suite
Ma visite lui donnait du baume au cœur, alors il attendait avec impatience. Le personnel soignant était important pour lui, cela le stimulait. Il était handicapé, il fallait lui faire sa toilette, le raser, l’habiller, le lever, lui faire faire un petit tour de table. Mais il ne voulait pas trop marcher, c’était épuisant vu son état. Je l’installais dans son fauteuil et il prenait sa pipe, ses crayons, son journal. Il passait sa journée dans le séjour car il ne pouvait pas descendre les escaliers pour aller dans le jardin ou la cuisine. C’était lourd pour lui et sa femme Henriette qui était très coopérante et dévouée.
Henriette disait « tu vas essayer de dessiner » et je mettais en place l’atelier avec des feuilles et des pastels. Ses mouvements étaient saccadés ; dans ses dessins, on retrouvait bien son style, ses arbres, mais c’était plus de l’abstrait… il faisait comme il pouvait malgré la maladie. On l’encourageait, on lui disait qu’il fallait le rééduquer malgré tout, c’était le rôle des soignants qui l’entouraient. Il commençait beaucoup de dessins mais parfois il disait : « je n’y arrive plus« . Ce n’est pas facile de faire un deuil d’une activité qui occupait sa vie.
Son moral variait selon les jours. Parfois il pleurait et après il pouvait rire et blaguer, il avait de l’humour malgré tout. Ou peut-être qu’il repensait à sa vie d’avant ? Je pense que cet état émotionnel pouvait être dû à sa maladie.
C’était une maison où il faisait bon travailler. Je découvrais le milieu de la peinture. Mr Nauleau était très connu à La Roche-sur-Yon. J’ai le souvenir de quelqu’un de passionné, professionnel. Il y avait des tableaux partout chez lui, il me faisait l’historique, il me parlait de l’endroit où il les avait peints. Il expliquait comment il peignait, surtout à l’extérieur avec son ami René Robin. Il parlait de sa vie. J’aimais bien ses tableaux, il y avait beaucoup de paysages et des bourrines.
Certains samedi, Henriette allait au marché. Je m’arrangeais pour que ce soit mon dernier patient, ce qui me permettait de passer un peu plus de temps.
Mr Nauleau a marqué mes débuts à domicile. Je garde un bon souvenir de ce patient.
Il m’a laissé un petit mot : « pour ses bons soins, je présente mes distingués et respectueux hommages, 28 juin 1984… »
Dessin réalisé lors des séances avec Marie. « Les vendanges chez mon ami Favrelière, Septembre 1985 »